samedi 14 septembre 2013

Le dessinateur allemand Klaus Stuttmann dans « Courrier international »

Du site de Courrier international

Le programme électoral de la CDU et son contenu…

Le dessinateur allemand Klaus Stuttmann a réalisé l'intégralité des dessins du dossier de Courrier international sur l'Allemagne d'Angela Merkel.
Il nous livre sa vision de la chancelière allemande.


Monsieur Stuttmann, vous avez suivi pendant huit ans le parcours de la chancelière Angela Merkel et publié de nombreuses caricatures d'elle dans divers médias allemands. Quels sont les traits de la chancelière qui ressortent particulièrement ? Qu'est-ce qui a été le plus marquant pour vous ?

Il y a huit ans, elle était encore la "fille" de Kohl, donc je la dessinais beaucoup avec jupe et tailleur. Elle n'avait pas encore la bouche qui tirait autant vers le bas, donc je n'insistais pas trop là-dessus. Je lui mettais un regard endormi et une lèvre inférieure à peine visible. Elle avait les cheveux fins et tout plats. Ça a changé petit à petit, mais aussi brusquement – à savoir à partir du jour où elle a fait sa première déclaration de politique générale. Tout d'un coup, elle s'est retrouvée avec une espèce de casque crêpé (réalisé par une star allemande de la coiffure) et s'est mise à porter ces tailleurs-pantalons de coupe bizarre. Au début, la veste avait toujours trois boutons, ce n'est que plus tard qu'on est passé à quatre ou cinq boutons. J'aime bien insister sur ces trois boutons parce que cela a quelque chose de clownesque. Et elle a grossi, aussi, c'est plus sympa à dessiner, toutes ces rondeurs baroques. Je souligne beaucoup plus sa bouche tirée vers le bas, en plus de son regard endormi, qui est son principal signe distinctif. Et il y a ce "losange", évidemment, sa façon de tenir toujours les mains sur le ventre.

L’Allemagne a le choix : Angela Merkel en tailleur-pantalon noir, jaune, rouge, vert ou orange.


La chancelière brigue un troisième mandat. Elle est largement en tête dans les sondages. Comment expliquez-vous sa forte popularité ?

C'est surtout parce que les Allemands voient qu'ils s'en sortent encore relativement bien sur le plan économique dans la crise européenne actuelle. Et, curieusement, ils croient que c'est grâce à Mme Merkel. On l'appelle "Mutti" [Maman], au début c'était pour se moquer mais maintenant c'est presque affectueux chez certains. En plus, elle a quelques caractéristiques personnelles qui la rendent sympathique. Son attitude pondérée, sa modération – on peut aussi y voir du louvoiement, une absence d'objectif et de l'indécision, mais la plupart des gens voient ça de façon positive. Très important aussi : elle n'est pas vaniteuse, ce qui saute particulièrement aux yeux après les égocentriques forcenés qu'étaient Gerhard Schröder et Joschka Fischer [respectivement chancelier et ministre des Affaires étrangères de la coalition rouge-vert, de 1998 à 2005]. Je pense que c'est un gros avantage pour elle à l'heure où l'écart entre riches et pauvres, entre « ceux d'en haut » et « ceux d'en bas » se creuse à nouveau. On ne la considère pas comme responsable de cette évolution (alors qu'elle l'est par la politique qu'elle mène) ni comme faisant partie des riches et de ceux d'en haut. En raison de sa modestie, elle passe plutôt pour quelqu'un de « normal », « l'une d'entre nous ».

Glissement à gauche à la CDU.


Comment voyez-vous Peer Steinbrück, l'adversaire de Merkel, dans la campagne ? Qu'est-ce qui lui manque et que manque-t-il au SPD et au projet de coalition « rouge-vert » pour l'emporter ?

Je crois que le grand problème du SPD, et en particulier de Steinbrück, tient au grand écart - dont les effets se ressentent encore aujourd'hui - entre la politique de Schröder (l'Agenda 2010), qui a favorisé les entreprises au détriment du social, et la volonté de redevenir enfin le parti de la justice sociale. Pour quelqu'un qui veut aujourd'hui rejeter l'Agenda ou ne plus le rappeler, il est malheureusement difficile de contredire Merkel quand elle s'attribue tout le crédit de la force économique actuelle de l'Allemagne. Or cette puissance économique est bien une conséquence de l'Agenda. D'un autre côté, le SPD a beau mettre aujourd'hui l'accent sur la justice sociale, les électeurs n'ont pas oublié la politique de Schröder et ils n'y croient tout simplement pas. Les sociaux-démocrates ne sont pas crédibles. Et en particulier Steinbrück, qui a soutenu activement cette politique à l'époque. Il a maintenant beaucoup de mal à assumer ce passé tout en promettant quelque chose de très différent pour l'avenir. Ils ne se sont pas encore réconciliés avec eux-mêmes. Et les gens s'en rendent compte.

Propos recueillis par Danièle Renon

Danièle Renon, journaliste spécialiste de l'Allemagne à Courrier international, nous donne son explication:

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