mercredi 23 juillet 2014

Quand Mœbius croquait l'actualité pour « La Vie »

Pascal Paillardet dans La Vie.


Jean Giraud, alias Moebius, avait illustré l'actualité durant un an dans La Vie. « Je suis un vieil auteur de BD... mais un novice dans le dessin d'actualité ! », nous avait-il confié en 2002, enthousiasmé, à l'issue de cette aventure.

« C'était une aventure extraordinaire, pleine d'imprévus, avec des hauts et des bas, où bizarrement se mêlaient le doute et la facilité ». Pour La Vie, Jean Giraud s'était lancé dans le marathon du dessin d'actualité. La collaboration avait duré un an, d'avril 2001 à mars 2002. De ce vertige, éprouvé chaque semaine devant sa palette graphique, avaient surgi au fil des illustrations des territoires inexplorés.

« Étrangement, j'ai vu apparaître un nouveau type de dessin : un dessin comique, avec des modelés, des ombres... Mes illustrations tenaient davantage du billet d'humeur que de l'éditorial politique », nous confiait ce maître de la BD, enthousiaste, à l'issue de cette expérience.


Endos de couverture

Avec 5 autres dessinateurs, Cabu, Margerin, Vuillemin, Killofer, Larcenet, il avait également illustré pour La Vie un jeu de l'oie présidentiel, conçu pour l'élection de 2002, autour des priorités de La Vie dans la campagne. 

Au fil des cases, les joueurs retrouvaient les combats de leur journal : justice sociale, souci des plus faibles, choix d’une mondialisation au service de l’homme, solidarité avec les exclus...


« Une campagne qui patine » (20 février 2002)

Né en 1938 à Nogent-sur-Marne, Jean Giraud était un étrange cas. Docteur Gir et Mister Moebius. Le Docteur Jekyll et M. Hyde du 9e Art. Fondateur de la revue Métal Hurlant, le créateur bicéphale avait charpenté un univers somptueux, en harmonie avec ses métamorphoses, ajusté à ses intuitions de visionnaire.

Ce monde d'encre était d'une richesse inouïe et d'une rare élégance, dilaté entre le western et la science-fiction, entre un réalisme sans failles et un fantastique démesuré. Si cet artiste fasciné par le Mexique avait chevauché les plaines de l'Ouest sauvage, dans le sillage du lieutenant Blueberry, imaginé en 1963 avec Jean-Michel Charlier, il arpentait sous le nom de Moebius des contrées à la cartographie plus énigmatique.


« Dope au Giro » (14 juin 2001)

Derrière ce pseudonyme, inspiré d'un astronome et mathématicien allemand du XIXe siècle, il en façonnait les reliefs sous les verrières de son atelier, où l'on eut le bonheur parfois de le surprendre, devant sa table à dessin.


« L'art de la fugue » (22 novembre 2001)

Avec une incroyable aisance, le virtuose s'arrangeait avec cette dualité. « Quand Gir dessine inlassablement les contours de la réalité, Moebius, lui, cherche le fin mot du monde. Le point final », expliquait-il. 

De Blueberry à L'Incal, le récit des aventures du détective futuriste John Difool, son oeuvre protéiforme était un prisme éblouissant.

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